Dans l’atelier de : Samuel Latour

avril 02, 2024

Samuel Latour sculpte l’intime des autres sans le savoir. L’artiste crée et façonne des sculptures abstraites dans lequel son cheminement sera le point de départ d’une histoire que d’autres vont (se) raconter. 

Ses sculptures, une fois achevées, appartiennent à celles et ceux qui les regardent.

Électrocardiogrammes verticaux, elles me sont apparues comme des élans de vie saisis dans la matière. Des émotions sculptées défiant l’appesantissement plutôt que la pesanteur.

Lorsqu’on lui pose la question, Samuel laisse libre cours à notre imagination, n’entravant en rien les suppositions et permettant à ses œuvres une nouvelle vie, un écho nouveau qui résonne différemment dans l’œil et les émotions de chacun.

Cette générosité est l’un des traits que l’on retient lorsque l’on rencontre l’artiste. Il y a un abandon et une confiance totale dans le lien qu’il place entre son œuvre et celles et ceux qui vont la découvrir.

C’est avec cette même prodigalité qu’il m’accueille dans son atelier, à Toulouse, où il s’est installé après une véritable pérégrination artistique.

 

Il a eu l’atelier en transit, partageur, voyageur et même parfois intérieur avant de prendre racine dans la ville rose.

Diplômé de l’école Boulle, qu’il intègre en seconde en tournage d’Art, c’est le métier de bronzier d’Art qui va le passionner dès sa sortie d’école et qu’il va travailler auprès de grands designers à Paris et Berlin ainsi qu’auprès de fonderies.

Glaneur de savoir-faire et d’horizons, chaque découverte est nouvelle passion, chaque nouveau geste un chemin neuf.

Une année de voyage vibrante de découvertes au Népal, en Birmanie et au Vietnam où il découvre d’autres savoir-faire, d’autres héritages et traditions et façonne son horizon esthétique, vers toujours plus d’ouverture et de liberté, du geste et de la création.

Il travaille dans une exploration permanente, de volumes, de matières, bois, bronze ou même encore plâtre, de savoir-faire variés et précis comme le tournage sur bois, le moulage ou la ciselure sur bronze et d’expression abstraite.

Le fil d’Ariane qui lie cette belle trinité est une indéniable fantaisie, libre sans entrave, qui nait d’inspirations artistiques comme de menus détails du quotidien. Et ce sont ces histoires d’une éloquence muette et pourtant vive dans lesquelles ses sculptures invitent.

Les rouleaux de papiers bulle jouent les funambules en hauteur tandis que dans une autre pièce, des étagères se parent d’essais, d’explorations et d’anciens travaux.

Au fond trône un bureau où les esquisses côtoient l’ordinateur, indispensable outil qui le relie à ses étudiants (il est le responsable de l’atelier de bois de l’école des Beaux-Arts de Toulouse _I.S.D.A.T._ depuis 2018) et comme lien incontournable avec ses clients qui couvrent un horizon presque aussi large que le sien.


Malgré les bruits de ponçage de l’atelier voisin, il y règne une sérénité joyeuse, un entrain inébranlable, et c’est avec cette impression de légèreté qu’on quitte son atelier.

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Dans l’atelier de : Dominique Mercadal

septembre 02, 2023

Les œuvres de Dominique Mercadal interpellent, de manière littérale : les contempler c’est entrer en conversation.

Elles lient l’organique, la nature et un langage dont on ne comprend pas encore toute l’étendue de l’idiome et pourtant, auquel on répond instinctivement.

Un langage engravé dans le grès, la porcelaine ou la céramique, poinçonné à la main, parfois des mois durant, incrusté dans les rainures ou les points, un morse de la rétine qui a demandé du temps et de la patience à l’Artiste.

C’est dans son atelier qu’elle m’accueille aujourd’hui, qui est chez elle, dans son appartement au cœur de Paris.

Le lieu invite pleinement dans l’alphabet esthétique de l’Artiste.

Tout y parle de lien et d’empreintes, de voyages et de rencontres, d’un tapis négocié âprement lors d’un stage de céramique dans un village de l’Atlas, à un meuble de famille, au prototype d’un prochain tabouret, à d’anciennes créations, aux sculptures créées en collaboration avec Bertrand Fompeyrine ; tout y raconte le souvenir et la singularité. Et de ces bouts d’horizons glanés lors de différents chemins, l’artiste a orchestré une empreinte visuelle forte, unique et rare.

Avant de mieux échanger autour de son travail, elle me propose un café qu’elle m’offre dans une de ses créations, une tasse aux couleurs sourdes et à l’élégance brute et précise qui rappelle les céramiques japonaises et qui me permet un contact, un lien direct et immédiat avec son travail. Une communion sensorielle. Voilà l’abécédaire de son univers solidement posé.

Elle a installé son atelier dans son appartement pour des raisons pratiques : ne pas avoir à se déplacer, être libre dans sa pratique et de son temps, même si ce dernier est de plus en plus placé sous le rythme des commandes qui s’étalent sur plusieurs mois.

Dominique Mercadal travaille la céramique d’une manière particulière, à la plaque. Elle part du vide plutôt que la matière, dans lequel elle va concevoir la surface, alors que dans un bloc on y modèle la forme.

Il lui semble plus simple d’aller chercher la forme par cette méthode, car elle y trouve une similarité au travail du tissus, métier dans lequel elle a débuté sa carrière.

Lyonnaise, elle est tombée dans l’amour de la soie très tôt et s’y est adonnée avec passion. Elle garde encore précieusement une boîte entière de récoltes d’échantillons qu’elle collectait dans les arrière-cours des soyeux.

Sa fièvre collectionneuse était telle que, connue des soyeux, certains gardaient des sacs poubelles entiers de leurs échantillons qu’ils lui donnaient lors de ses passages.

C’est cette ferveur pour les imprimés et la soie qui l’a conduite à choisir son orientation, où elle créa à son tour des motifs.

Diplômée des Arts Appliqués de Lyon en création textile, elle a débuté sa carrière dans le textile en tant que « fleuriste » en concevant essentiellement les différents motifs de fleurs.

La réalité du métier fut décevante face à un tel élan initial et les soyeux fermaient les uns après les autres. Elle remisa alors le métier avec sa précieuse collection d’échantillons.

C’est en participant à l’encadrement d’ateliers artistiques auprès d’enfants qu’elle renoue avec la terre.

C’est dans sa propre enfance que cette dernière, déjà, était très présente. Souvenirs d’argile récoltée au fond du jardin, puis pétrie, modelée, cuite au four domestique et peinte à la gouache. Cours d’Art Martenot suivis depuis l’enfance, où déjà la céramique est appréhendée mais comme activité créative, ludique plutôt que medium à part entière. Une compagne de voyage agréable qui ne la quitte plus, mais toujours en marge de son chemin principal, juste pour le plaisir.

Un plaisir instinctif qui s’invita à nouveau dans son chemin pour se révéler pleinement dans la recherche, les tâtonnements et la patience sur plusieurs années jusqu’à devenir une pratique à part entière cette fois, en autodidacte.

 

Elle s’inspire de paysages. Les formes dans son travail apparaissent les premières, résurgence de ces souvenirs minéraux, les graphismes viennent ensuite en ponctuer les contours. Ils s’y sédimentent en strates comme le temps, qui pour elle ne passe pas mais se superpose.

C’est ce langage de souvenirs, de temps qui s’enrichit plutôt que de fuir, qui apparait de ce mariage de formes et de poinçonnage et imprègne son atelier.

Ses sculptures m’apparaissent soudainement comme les paysages (é) mouvants qu’ils sont, courant au-delà de leur forme, réminiscence des beautés que la nature a créée, elles en ont capturé le rêve, le souvenir ou l’empreinte émotionnelle.

Et c’est riche de plus de temps, d’un nouveau langage indicible et d’émotions que je quitte à regret son atelier, avec un peu d’envie pour son bienheureux chat qui en partage le calme et l’univers extensible.

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